Révélé : Le secret surprenant de la fabrication des Citroën en Russie (sans accord !)

Décryptage : Comment une usine russe fabrique-t-elle des Citroën sans accord ?

La saga étonnante de la fabrication des Citroën en Russie sans l’aval de Stellantis, le géant automobile qui regroupe des marques prestigieuses telles que Peugeot, Citroën, Fiat, Opel et Chrysler, suscite des questionnements légitimes. Comment est-il possible qu’une usine russe continue à produire et vendre des modèles Citroën, en dépit du retrait officiel du constructeur français du marché russe suite au déclenchement du conflit en Ukraine en 2022 ?

Les origines de cette production inattendue

L’usine de Kalouga, située à 200 kilomètres au sud-ouest de Moscou, était autrefois une importante plaque tournante de l’industrie automobile russe, en employant 2700 salariés pour une production annuelle de 125 000 véhicules. Elle était un symbole de la coopération industrielle entre la France et la Russie, avec la production de plusieurs marques, y compris des SUV Citroën C5 Aircross. Toutefois, avec le début des tensions géopolitiques en Ukraine, et malgré les sanctions économiques européennes, cette coopération semble avoir pris un tournant inattendu.

Alors que le groupe Stellantis s’est retiré du marché russe, le site citroen.ru continue étonnamment à proposer à la vente des Citroën C5 Aircross, sans que le constructeur français ne semble être en mesure d’intervenir. Cette situation invraisemblable s’explique par une série d’événements et de décisions qui ont isolé l’usine de son propriétaire légitime, ouvrant la voie à une production sans précédent.

Un partenariat sino-russe au cœur de la production

Le véritable acteur derrière cette production de véhicules Citroën en Russie est le groupe chinois Dongfeng Motor Group, un partenaire de longue date de Peugeot et Citroën en Chine. Ce dernier a fait parvenir à l’usine de Kalouga des kits de 1700 pièces déjà soudées et peintes, ainsi que des kits automobiles complets pour la Citroën C5 Aircross. Ces kits arrivent en Russie par train en provenance de Chine, et sont assemblés par d’anciens employés de Stellantis opérant désormais pour la société russe Automotive technologies.

Automotive technologies a ainsi annoncé, fin mars 2024, le début de l’assemblage en série du modèle Citroën C5 Aircross, promettant l’arrivée des premiers modèles dans les concessions deux mois plus tard. Cette version du C5 Aircross est identique à celle vendue en France, à l’exception des optiques avant. Ce développement suggère un aval obtenu, direct ou indirect, de la part des gouvernements de Moscou et de Pékin, étant donné le lien étroit entre Automotive technologies et ces deux puissances.

Décryptage : Comment une usine russe fabrique-t-elle des Citroën sans accord ?

Les défis juridiques et géopolitiques

Le contrôle perdu du site de production par Citroën soulève des questions non seulement juridiques mais également géopolitiques. Les intérêts impliqués dans cette affaire signalent une complexité notable, faisant intervenir des influences à plusieurs niveaux. D’une part, Pavel Bezroutchenko, le directeur du développement chez Automotive Technologies, a des liens étroits avec le gouvernement russe, étant l’ancien directeur adjoint du Minpromtorg. D’autre part, Dongfeng est directement sous le contrôle du gouvernement chinois.

Faire respecter les droits de Citroën dans ce contexte apparaît comme un défi majeur. L’idée de porter plainte en Russie semble irréaliste dans le contexte actuel, tandis que tenir Dongfeng pour responsable serait compromettre les ambitions de Stellantis en Chine. La relation entre le groupe français et le constructeur chinois étant cruciale pour les deux parties, notamment depuis le sauvetage financier de Peugeot-Citroën par Dongfeng en 2013, toute action en justice pourrait ternir ces relations stratégiques.

La production des Citroën C5 Aircross en Russie sans l’accord de Stellantis pourrait marquer le début d’une série d’initiatives similaires. Cette situation complexe interpelle sur le pouvoir réel des entreprises occidentales face à un environnement géopolitique et juridique qui échappe à leur contrôle direct. Cela soulève également des questions sur la protection des droits de propriété intellectuelle dans un monde de plus en plus multipolaire.

Réflexions finales sur le futur industriel et diplomatique

La continuation de la production des Citroën en Russie, sans l’assentiment de Stellantis, expose la fragilité des accords commerciaux internationaux et des droits de propriété intellectuelle dans des situations de crise géopolitique. Elle révèle également l’importance des partenariats stratégiques et la complexité de naviguer dans des eaux juridiques internationales. La résolution de ce conflit, ou l’absence de celle-ci, offrira un précieux aperçu des dynamiques de pouvoir dans l’industrie automobile mondiale et dans les relations internationales.

L’enjeu n’est pas simplement économique ou commercial; il touche aux sphères de l’influence politique et de la souveraineté nationale, comme le montre l’implication des gouvernements de Russie et de Chine. Le cas de l’usine de Kalouga devient ainsi un symbole des défis que doivent affronter les multinationales dans un monde où les rapports de force économiques et politiques sont en constante évolution.

Nous nous trouvons face à un cas d’étude remarquable sur la capacité des entreprises à protéger leurs actifs à l’étranger, et sur les stratégies qu’elles peuvent adopter face à des acteurs étatiques disposant d’un pouvoir considérable. Le déroulement futur de cette affaire pourrait définir de nouveaux précédents dans le droit international des affaires et dans les pratiques diplomatiques entre entreprises et États. Cela pourrait également encourager les entreprises à repenser leurs stratégies de protection de la propriété intellectuelle et de résolution des conflits à l’international.